mardi 13 novembre 2018

Cri de rage !


Cri de rage !

Aujourd’hui, c’est un cri de rage qui doit retentir de toutes parts dans la société ! Pas un cri de rage impuissante, mais au contraire une rage qui mène à l’action. Dans son mouvement dynamique contradictoire, le capital conduit deux processus distincts, mais unis : à la fois une destruction massive de l’écosystème vivant de la planète, un rouleau compresseur qui broie impitoyablement la force de travail et, au-delà, les individus et produit une aliénation peut-être sans précédent dans l’histoire de l’humanité, mais, de manière antinomique, il développe également les capacités individuelles et collectives d’une façon historiquement unique dans l’histoire.

A titre d’exemple, jamais la science n’a ouvert autant de champs et abouti à autant de découvertes, notamment sur le fonctionnement humain (neurosciences, psychiatrie, sociologie) et biologique. Il n’est pas un jour où des avancées décisives dans la prise en charge des maladies ne sont pas franchies. Jamais, l’espérance de vie en bonne santé n’a été aussi grande dans les pays capitalistes développés et, pourtant, jamais la misère aussi bien économique que morale, sociale et affective n’a été aussi importante et aussi totalement partagée qu’actuellement.

Nous assistons à ce spectacle désolant dans lequel l’isolement, l’atomisation et la fragmentation de soi a pris le pas sur le commun et les réponses collectives aux problématiques sociales, pures produits de la logique capitaliste de la marchandisation et de l’inversion de sens. Capitalisme dans lequel les sujets deviennent des objets (forces de travail, ressources humaines) et les choses (marchandises, argent, capital) des créatures vivantes douées de pouvoirs surnaturels devant lesquels les êtres humains doivent s’incliner et être prêts à mourir.

Pourtant, les réflexes de survie sont présents partout dans les classes dominées (gilets jaunes, manifestations climat), où le besoin de collectif, d’être ensemble, explose littéralement et rend à la fois vie et dignité à chacun et à chacune. Un cri de rage retentit et réclame des pouvoirs dominants une écoute, une réponse et des actions. A cet égard, nous sommes dans la Russie de 1905 ou la France de 1788 où les mobilisations populaires réclamaient seulement du monarque qu’il se penche sur les préoccupations plébéiennes. La réplique étatique a toujours été la répression, car derrière l’Etat attend embusqué l’homme armé. 

Aujourd’hui, nous nous trouvons une fois de plus dans cette situation prérévolutionnaire dans laquelle une sorte de présent éternel semble borner l’horizon historique et étouffe l’imagination collective. La violence physique et symbolique reste du côté du pouvoir (mobilisation de l’armée contre les manifestants en France, appel au respect des institutions parlementaires) et le peuple est exhorté à ne pas utiliser la force. Toutefois, le cri de rage ne pourra pas se contenter de promesses ou de faux-semblants, encore moins d’être muselé à l’image de ce que l’Empire US fait subir à Julian Assange. Dans une dynamique contradictoire, l’impuissance et la puissance, comme capacités illimitées de réflexions et d’actions, jouent l’une contre l’autre et l’une avec l’autre. Autant dire que le blocage ne durera pas et qu’un dépassement en jaillira. Dans quelle direction…? Il y a un siècle c’était socialisme ou barbarie, aujourd’hui l’alternative est le communisme ou la mort. Toutefois, la voie communiste ne sera pas, comme au siècle dernier, mouvement insurrectionnel visant la prise du pouvoir d’Etat, mais une évolution révolutionnaire dictée par l’appropriation collective des formidables possibilités ouvertes par le présent dans ce qu’il a de plus prometteur en termes d’émancipation humaine.

Julien Binggely