jeudi 15 novembre 2018

Du langage de la lutte à la lutte du langage


Du langage de la lutte à la lutte du langage

En hommage aux grandes manifestations ouvrières du 1er Mai 1886 à Chicago, une Journée Internationale des travailleuses et travailleurs est décrétée. Avec le régime de Vichy, cette journée devient progressivement la « Fête du Travail », permettant de contrôler la « lutte » et de valoriser… le « travail » ! 
Ce type de renversement est connu : Tiré de Georges Orwell (1984), l’« anti-langue » (novlangue) est un procédé qui a pour but de supprimer les éléments subversifs du langage. Si le mot et le concept n’existent plus, il devient impossible de nommer et de comprendre la réalité. La démocratie, qui se base sur l’existence des contradictions, est alors affaiblie, voire supprimée. 
Les exemples de remplacement sont innombrables ! Citons par exemple : 
  • « exploités » par « défavorisés » : il n’y a plus d’exploiteurs. Les « défavorisés » manquent tout au plus de chance ou d’opportunité… plus de révolte possible. 
  • « bombardements » par « frappes chirurgicales » : Entre un mot négatif et positif, notre cerveau retient le second : « chirurgicale » qui a un effet thérapeutique.   
  • « Défiscalisation » par « fiscalité adaptée » : de la bouche même de notre ministre des finances, entendez par là une nouvelle réduction massive de l’impôt sur les entreprises. 
  • « décroissance » par « croissance négative » : les oxymores, juxtaposant deux termes contradictoires, bloquent la réflexion, le mouvement de la pensée. 
  • « Lutte contre la discrimination » par « discrimination positive » : on légitime la discrimination par un artifice qui ne recherche, ni ne combat pas les causes.
  • « salariés » par « associés » : Dénomination des employés chez Amazone, dont les conditions sociales relève de l’esclave moderne.  
Sans compter tous les pléonasmes qui ne veulent rien dire : « démocratie participative »… comme s’il y avait une « démocratie contemplative » ; « tri sélectif »… comme si quelqu’un triait sans sélectionner ; « population active »… merci pour ceux qui sont passifs… 
Bref, comme le rappelle Franck LePage : la désintoxication langagière doit être une priorité. Belle Journée Internationale des Travailleuses et Travailleurs !